Dimanche
le 20 mars. Réserve Cuyabeno. Jour 3.
Réveil musical ce matin pour les lève-tard. Et vers
8h45, après un gros déjeuner qui mettait en vedette pour chaque
personne un œuf frit dans une petite omelette, nous partons en
pirogue. À vitesse moyenne pour avoir le temps de voir quelques
animaux. Luis Torres, notre guide unique et préféré, est vraiment
sensationnel. Il a une vue d'aigle et il décèle tout bien avant tout le
monde. Une chance qu'il a son pointeur laser vert car souvent on ne
sait ni où ni quoi regarder pour trouver ce qu'il a vu.
Luis Torres, guide naturaliste, musicien et chanteur |
Nous
passons 2h30 à naviguer et observer, toujours en descendant la
rivière Cuyabeno. Au départ nous voyons sur les bords trois ou
quatre auberges puis c'est la pure nature. Il n'y a que douze
auberges de toute manière dans la Réserve qui compte plus de 250
000 ha en superficie. Et quelques villages autochtones de diverses
ethnies.
Les
observations vedettes de l'avant-midi : près d'une dizaine de
Hoatzin, autant pour les aninghas, un grand toucan à gorge blanche,
un pic verdâtre extrêmement rare (golden throated woodpecker) et le
clou de l'avant-midi, trois Aras bleu et jaune (Ara araraona) qui
nous font un spectacle grandiose en s'alimentant au sommet d'un
immense arbre. Et aussi une nouvelle espèce de singes à la queue
très touffue : le singe moine saki. C'est exceptionnels que
les visiteurs de la Réserve ont la chance de voir ces aras et ces
singes car ils sont tellement rares. Donc un bel avant-midi bien
rempli.
Cherchez le toucan |
Cherchez le lézard |
Nous
arrivons à Puerto Bolivar vers 11h45. Il s'agit d'un petit village
d'à peine 300 personnes qui abrite l'ethnie Siona. Nous débutons
notre visite en faisant le tour du village. En dix minutes c'est
fait. Puis nous allons chez Gladys, une autochtone résidente, qui
nous préparera notre entrée pour le lunch de ce midi. Une entrée
à base de manioc.
Le
feu de cuisson est prêt. Nous commençons par aller cueillir les
racines d'un plant de manioc. Elle les pèle sur place. Puis nous
allons dans la cuisine en plein air où elle reçoit les petits
groupes de touristes comme nous. Ceux du Siona Lodge uniquement.
Elle râpe d'abord les racines puis en extrait 80% de l'eau environ
en plaçant la farine humide dans un tordeur fait de feuilles
tressées. Ensuite elle place suffisamment de farine sur une plaque
de céramique chauffée sur feu de bois pour en faire un pain plat à
la manière d'une pâte à pizza ou d'un pain pita. Normalement,
elle en fait une fois par mois, en grande quantité et cela se
conserve très bien au sec jusqu'au mois suivant.
Nous
dégustons les pains avec un peu de sel ou avec un peu de confiture
d'ananas selon notre préférence. C'est très intéressant comme
type de pain et totalement sans gluten au grand plaisir de ceux qui
ont une intolérance à ce composé.
Vient
ensuite le temps de faire chauffer notre lunch. Du poulet cuit, des
patates et de la salade qui ont été transportés dans une glacière
depuis notre auberge. Le seul hic c'est qu'il n'y a pas de glace
dans la glacière... Une chance qu'il font chauffer le poulet sur le
feu car je pense que je me serais abstenu.
Après
le lunch nous prenons un sentier derrière le terrain de Gladys. Il
nous fait passer dans une plantation de cacao et nous amène jusqu'à
un un arbre géant, le plus gros de la forêt amazonienne, le Ceiba.
Ce qu'il est gros, ce qu'il est haut, ce qu'il est gros! Une beauté
de la nature!
Nous
allons ensuite voir Oswaldo, l'un des quatre chamans du village. Il
nous explique comment il a été initié durant douze ans pour
devenir chaman et comment il procède pour détecter les maladies en
entrant en transe à l'aide d'un mix qui fait entrer en jeu la sève
de deux types de lianes différentes. Ensuite il applique la
médecine traditionnelle qui fait intervenir différentes infusions
ou décoctions de plantes qu'il fait pousser dans son jardin ou qu'il
cueille directement en forêt.
Nous
avons droit à une petite cérémonie de purification chantée qui
fait intervenir quelques membres du groupe puis il nous montre sa
sarbacane et ses fléchettes avec lesquelles il chasse encore de nos
jours. Il nous fait une démonstration et je demande si je peux
essayer. Bien sûr! Le premier coup je passe à moins d'un
centimètre de la cible. Au second, la fléchette se plante
directement sur la cible. C'est précis ce truc-là. Plusieurs
autres personnes essaient et la plupart réussissent à faire mouche.
Avec une sarbacane plus longue, de 3,5 à 5 m ou plus, la précision
et la portée est encore plus grande.
Au
retour nous voyons encore plusieurs oiseaux mais le clou de
l'après-midi, c'est un bel anaconda d'environ 2,5 à 3 mètres qui
prend du soleil sur une branche. Rare! Très rare de pouvoir en
observer un. Nous avons aussi un beau spectacle de singes écureuils.
Une douzaine de jeunes s'amusent comme des fous dans un buisson qui
surplombe la rivière. Quelle agilité! Ils sautent de branche en
branche et essaient de se faire tomber les uns les autres. Quand ils
tombent ils finissent toujours par attraper une branche plus bas.
Nous les regardons évoluer durant une bonne dizaine de minutes.
L'un d'eux tombe à l'eau. Par chance pas d'ananconda ni de caïman
à proximité. Il regarde la rive et le couvert végétal. Un beau
show!
Nous
revenons à l'auberge pour 17h environ. Petit snack avec une bière
et amorce du blogue pour moi. Douche et repos pour Hélène.
Pendant que j'écris mon blogue, Luis vient me voir et je lui offre
une bière. Cela me permet d'en savoir un peu plus sur lui. Un
livre a déjà été écrit à son sujet. Il a été élevé dans la
jungle où il a beaucoup appris avec son père sur les plantes et la
faune en général. Puis au fil des ans a étudié par lui-même les
livres qui traitent de divers sujets touchant l'amazonie et les
espèces qui l'habitent. Il est ensuite devenu guide. Un fameux
guide qui fut employé par des équipes d'universitaires pour leurs
étude et même par National Geographics.
À
18h45, nous repartons en bateau. Il fait noir et il pleut. Mais les
ponchos fournis par l'auberge font bien leur travail. Luis utilise
sa grosse lampe de poche pour éclairer la rive et les arbres
solitaires qui sont dispersés en bordure de la lagune. Il cherche
des yeux qui reflètent la lumière. Et bingo! Il nous trouve notre
premier boa de la soirée qui est en train de grimper de branche en
branche dans un gros arbre. Nous pointons tous nos torches vers
l'arbre pour mieux voir. Étonnant de voir comment le serpent peut
se dresser de plus d'un mètre pour passer aux branches supérieures.
Durant
l'heure et demie que dure l'activité nous verrons trois caïmans et
quatre boas. Le record de Luis est de 20 boas durant la même
période.
Nous
avons un excellent souper avec entrée et vin rouge ce soir. C'est
que la plupart des voyageurs quittent demain matin. Il n'y a
qu'Hélène et moi qui restons un jour de plus. Après le souper,
Luis va chercher sa guitare et ses flutes de pans et le concert
débute. Miguel, le cuisinier, l'accompagne au tambour. Luis est
vraiment surprenant, il chante et enchaîne les chansons andines et
latinos l'une après l'autre jusqu'à 23h! Ce fut une soirée bien
agréable!
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